dimanche 28 mars 2010

Comptine du changement d'heure




Toc toc toc qui va là?
le premier homme de la première heure
Tic et tac, quelle est cette heure?
celle du premier geste, de l'esquisse
Picoti picota
faudrait-il qu'on y croit
Picota picoti
imaginons que si

Toc toc toc qui va là?
le premier geste de la première heure
Tic et tac, quelle est cette heure?
celle du premier homme, de l'esquive
Picoti picota
imaginons qu'on y croit
Picota picoti
faudrait-il que si?

Toc toc toc qui va là?
une heure plus tard, à l'heure juste
Tic et tac, quelle est cette heure?
celle des gestes qui se fleurent
Picoti picota
les souffles se frôlent
Picota picoti
les rôles se floutent

Toc toc toc qui va là?
Picoti picota
Picota picoti

Toc toc toc qui va là?
heureuse que ce soit toi
Picoti picota
qui est las ?
Picota picoti
épris?

Toc toc toc
je suis là
Picoti picota
dans ces bras
Picota picoti
même si

lundi 22 mars 2010

Ne pas céder... esquiver... et finalement


Entre chiens et loups.

Ne pas céder au sommeil, feinter, esquiver la fatigue qui s'invite, s'allier à tous les subterfuges pour la leurrer. Sortir.

Se balader dans la nuit.
Le printemps est là, le ciel est clair, les étoiles se dévoilent (la faute de frappe est corrigée... dévoient avait remplacé dévoilent, l'erreur est trouble). Savourer cette éclaircie nocturne.

Se balader ce soir est un plaisir. L'air est doux, les rues désertes. Paris est si calme.
Nous sommes lundi. Lundi, ce soir où la ville est morte, molle. Ce soir où elle est au ralenti, néanmoins accueillante. Traîner encore. Refaire un tour.
Finalement rentrer. A regret.
La journée a été dense. Il me faut encore dépenser de l'énergie, il me faut aussi me débarrasser de quelques impressions qui justement ne doivent pas impressionner, pas laisser de trace.
Je presse le bouton sur la télécommande. Voyant au vert. Je ne choisis pas le canal.
Un feuilleton. Ça profile et trucide en série.
Les cris, jets de sang et commentaires off font d'excellents bruits de fonds.
Je grignote des wasabi peas.
Il est cette heure qui n'est pas encore la nuit, mais plus vraiment la soirée. Cette heure où il n'est plus temps de téléphoner. Pas recommandé de ressortir. Trop tôt pour dormir. Trop tôt pour laisser la journée se terminer.
Je remets de l'eau dans les vases.
Les 8 amaryllis, trop avancés pour être vendus, offerts par mon fleuriste sont superbes. J'arrange un autre bouquet.
Les profilers ont fini de dénouer les fils barbelés qui tissent l'âme de leur proie.
Télé sur off. Vases rafraîchis.

Je passe un disque. Pas trop fort pour les voisins. Je n'ai pas envie d'écouter la musique au casque.
Ce sera un Requiem, Saint Saens. Psaume XVIII. Un achat de ce week end.
Pas très gai. L'heure de la gaité est passée mais elle laisse son ombre. Splendide et solaire. Elle illumine encore. Pourtant une heure succède à l'autre La place est maintenant au requiem. Sans tristesse. Aucune.
Je prends un livre. Le laisse. En prends un second. L'envie de lire me quitte.
La main à plat sur la couverture du bouquin de Garouste "l'intranquille", j'envisage mes ongles. Ma manucure maison de samedi matin s'écaille très discrètement. Il n'y a que moi pour le voir. Un joli rose tyrien pourtant. De très légères irrégularités se dessinent. Suffisamment, pourtant.
Je vais chercher des cotons. Du dissolvant.
Si seulement tout pouvait se dissoudre aussi facilement.
L'odeur d'acétone est lourde.
Mes mains ont quitté leur masque.

Toujours pas envie de dormir. Toujours envie de repousser le sommeil.
Ne pas lui céder L'esquiver. Imaginer d'autres feintes. Se dire que ce n'est pas raisonnable. Demain il y a école. Et demain, pour se mettre en jambe, la matinée va démarrer pas une préparation de réunion, in english et sur des sujets aussi peu susceptibles de laisser une place à mes talents d'improvisation, que le recueil de données, une validation de scoping, la validation d'un planning...

Demain est à un jet d'aiguilles maintenant, juste quelques heures. Mais c'est le trésor des nuits d'offrir la possibilité de changer les temps.
Je repousse demain aussi loin possible. Je retrouve mes images d'enfant: "demain c'est quand on se réveillera...."
J'oublie demain et laisse Saint Saens reprendre le dessus. Je suis encore aujourd'hui: je ne dors pas.
Premier signe de faiblesse.
Je me frotte à la rider (un peu plus) la paupière de mon oeil gauche.
J'ignore le bâillement que j'étouffe.
Le sommeil s'invite, s'installe entre cet aujourd'hui que j'ai usé jusqu'à la corde et ce demain dont finalement j'accepte les présages.
Demain ce sera double café, anti-cernes, blush, teint pas très frais.
Demain ce seront des envies, des moments à faire passer vite et d'autres à savourer.
Demain ce sera mardi.
Demain j'y suis. Il est 1 heure plus que passée.
Demain sera familier puisque je vais m'endormir à côté de lui.
Demain m'accompagne déjà, je le précède et il m'attendra au réveil.
Je vais finalement céder. Accepter de dormir. Pour attendre ce demain qui ne m'est plus inconnu puisque je l'invite.

mardi 16 mars 2010

appel à contribution....


le 11 février je vous livrais un genre de poème qui s'était posé sur le clavier presque spontanément. Sans nom.
Bien sur, il y avait plein de "autant que possible" dans ces quelques lignes... mais c'était un peu téléphoné comme titre.
Alors, El gato m'en ayant soufflé un, entre deux bouchées nippones, je me suis dit: pourquoi un seul nom quand il n'y en avait aucun ?

a vos suggestions,
en commentaires ou en mails !

dimanche 14 mars 2010

Facettes



Cette boule à facettes énorme, c'était il y a un peu plus d'une semaine à Bobin'o. Spectacle "La clique". Une troupe déjantée dans la pure tradition burlesque, hors norme. Du numéro de trapèze à la prestidigitatrice qui finit son numéro en nu intégral, du coussin péteur du magicien techno à l'homme élastique, du mâle sublime quoique très mouillé, à un chanteur échappé de Priscilla folle du désert, en plus noir, plus gros, plus de tout!

Cette boule à facettes est aussi une sorte de pied de nez à ces samedi soirs paillettes que je ne chéris pas.
Ce n'est pas uniquement parce que les Bee gees me vrillent les tympans que ce soir du Week End est presque toujours la soirée la plus calme de mes semaines.
Tout d'abord, je déteste les liesses collectives préprogrammées. Quant à se retrouver au milieu d'une foule qui se débride autant que ce soit vraiment dans l'excès, que ce soit spontané et communicatif.
Le côté étriqué et prévisible des fêtards du samedi soir est déprimant.
Leurs dérapages ont l'amertume des gueules de bois trop vite chopées et les relents acides des petits matins courbatus mais dénués d'une cerne de plaisir.
Pas beaucoup d'esprit festif dans ces soirées trop préparées, trop attendues, trop "entre soi".
Alors, définitivement je resterai une casanière du samedi, et définitivement une noctambule potentielle tous les autres soirs.

Le samedi est par ailleurs une soirée toute particulière qu'il est dommage de gâcher. La seule soirée de la semaine qui vous appartienne totalement car juste à la jonction de deux jours sur le programme desquels vous avez la main (aux obligations administratives, ménagères et familiales près... bien entendu!).
Le samedi, il reste possible de prendre un bouquin pour le plaisir de lire et sans répondre à un besoin parasite de se "changer les idées". Il reste possible de naviguer dans les piles de CD pour réécouter des morceaux, piochés presque par hasard. Il reste possible de ne rien faire: Juste se laisser ramollir dans un bain, se répandre sur le canapé, se fondre dans la dégustation d'un vin, se vernir les ongles des orteils, évaluer du regard le courrier que l'on n'a même pas ouvert.
Le samedi soir je suis dans la disposition d'esprit la plus favorable pour donner la valeur la plus juste à toutes les choses que je ne fais pas ce soir là et que je remets aux autres jours.
Sauf que ces autres jours, trop occupée à faire, à bien faire souvent, à faire vite aussi, je serai à nouveau un oeil rivé sur le petit bout de la lorgnette, l'autre sur la montre.
Donc le samedi c'est un plaisir délectable, luxueux et parfaitement égoïste: ne pas s'agiter, choisir, et surtout ne pas avoir à donner le change.

Ce samedi a été parfait.
La preuve: il n'y a rien à en dire !

Ce dimanche entre autres moments précieux: au théâtre, une lecture d'extraits de "A la recherche du temps perdu" de mister Proust.
J'ai comme beaucoup renoncé à lire cet auteur. Réputé difficile, barbant, interminable comme ces fameuses phrases, réputé indigeste comme les non moins fameuses madeleines même trempées dans une infusion de tilleul.
Cette lecture alternée par 3 comédiens était émouvante, drôle, caustique, juste.
Je retenterai certainement cet Anapurna littéraire.
Certainement entre 2 romans, un science et vie, les inrockuptibles, un policier, voici et le monde de lundi avec l'analyse des élections.
J'ajouterai aussi à ce méli mélo de mots, juste pour le plaisir du rythme de ses vers, quelques brassées des fleurs de monsieur Baudelaire.
Aucune mélancolie à cela.
Mais, une admiration pour ces artistes orfèvres, qui sertissent parfaitement, avec science, talent et invention, les pierres que chacun y apporte.
Alors, oui clairement relire certains poèmes des fleurs du mal en écoutant Piazzola n'est pas ce que l'on peut imaginer de plus gai, de plus débridé.
Et heureusement, toutes mes soirées ne sont pas aussi calmes.
Mais si j'ajoute à cela qu'il me restait un verre d'un excellent Saint Emilion, et que j'avais tout le canapé pour m'allonger.
Vous l'avez maintenant compris.
C'était juste un moment parfait, plaisant, plein.

Partager ce moment était impossible.
Alors, je n'en ai partagé qu'une facette, celle de "recueillement", le poème livré dans mon dernier billet.
Du coup, c'est une inquiétude que j'ai levée sur mon état d'âme.

Quand je vous dis que c'est dangereux les facettes !

vendredi 12 mars 2010

Quand il s'agit de Charles....


Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.




... après cela, qu'ajouter d'utile??

mardi 9 mars 2010

les citations ont aussi du bon

J'avoue René Char ne m'est pas du tout familier, mais juste quelques vers peuvent suffire.

"Impose ta chance, Serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder ils s'habitueront".

Voila, j'avais juste envie de partager ces quelques mots.
Je les avais croisés sur la 4eme de couv de libération, quand je lisais encore ce journal, ils concluaient un portrait de Dominique Blanc.
Je les ai retrouvés avec plaisir.


Pour ce qui est des suites des portiques:
le portique a sonné à l'aller et au retour, avec 2 palpations à la clef dont une spécialement dérangeante au retour. jusqu'à un triffouillage des armatures de mon soutien gorge, qui ont elles aussi dû user de toute leur souplesse pour ne pas craquer!
Quelques turbulences, un peu trop faibles. A l'aller, mon voisin était parfait: working boy, impoli, chèrement vêtu et sans aucune classe, glouton et ridicule d'exigences. Une place libre entre nous était salutaire.
Aucun souvenir de mon voisin du retour.
Quelle est la pire des situations?
Ensuite retour nocturne à la maison. Comme prévu. Et, tout aussi attendues, des cernes qui s'épanouissent à une vitesse record. Certains effets spéciaux sont moins réussis. Je me délite avec brio et un certain talent.
Une journée de travail plus tard et voici le week end. Week end qui se doit de démarrer dès le vendredi.
Celui-ci ne déroge pas à cette règle.
La fatigue n'est pas une raison suffisante pour se recroqueviller et couver mon besoin de sommeil, de confort et d'abysses.
Au détour de ce week end, mon ostéopathe n'abonde pas dans mon sens et me rappelle à l'ordre, toujours avec une grande gentillesse: un expert en ultimatum!
Je passe sur le reste de ce temps qui est passé entre famille et amis, mots, silences et vacarmes de bruits et de musiques, vacarmes aussi surement violents de confidences délicates.
Je continue à me bercer des acouphènes suite à tout cela.
Et je mûris un nouveau billet, pour bientôt.

mercredi 3 mars 2010

happy new year soon

Bientôt mon nouvel an,

Demain sera certainement pluvieux, mais cela fait 2 jours de suite que le soleil est au rendez-vous. Les journées rallongent notablement, enfin perceptibles.
Demain sera pluvieux peut-être, mais avec certitude, demain ce sera déplacement.
Levée avant le soleil, je me réveillerai vraiment, une fois de plus, qu'arrivée à l'aéroport: étonnée d'être à peu près correctement habillée (I hope so), avec mes documents au complet, dents fraîches et teint éclatant, voir le contraire. Puis ce sera portique, passerelle, avion, passerelle, bureau, et re portique, passerelle, avion, passerelle, et retour à la casa à la lumière des réverbères.

Mais, il serait dommage de bouder son plaisir.
Tout d'abord il n'est pas exclu que demain soit une journée réussie, voir même intéressante, arrivée à destination.
Ensuite, côté voyage, avec un peu de chance il y aura des turbulences pendant le vol. Juste pour garder la sensation de voler.
Si je rêvais encore, je pourrais imaginer ne pas me retrouver assise à côté d'un mufle qui s'étale ou d'une working girl tombée dans le shalimar, ni à proximité de deux collègues qui parleraient boulot tout du long sans aucun égard pour ceux qui veulent juste un peu de calme pour mettre leurs idées en place, ou lire, ou juste somnoler. Et si je vais au bout du bout, allez, je rêve.... je ne me retrouverais pas obligée de retirer mes chaussures, ceinture, bague, à l'aller et au retour, pour finalement faire quand même sonner ce fichu portique. Puis, à l'aller et au retour, je n'aurais pas à supporter une palpation corporelle d'une matrone en uniforme, polie certes, mais un peu violente dans ses appuis. Quoique à tout prendre, je serais certainement plus dérangée, si cette même matrone se mettait à pratiquer une palpation caressante et douce.

Donc, demain c'est déplacement.
C'est toujours une ponctuation agréable. Mais, pour cette fois, ce ne sera pas le point culminant de cette semaine.
Cette semaine a déjà trouvé son relief, grâce à la reprise d'un rituel saisonnier: la pause buissonnière.

Le plaisir de s'échapper à midi, se balader sur les bords de Seine. Croquer un sandwich en marchant ou s'en prendre un au retour.
Trente minutes à prendre l'air, marcher, écouter de la musique, ou juste chantonner pour soi-même. Puis, revenir au bureau.
Reprendre le cours du travail, le fil des réunions, avec dans la tête cette petite bulle buissonnière. Salutaire. Des éclats de soleil sur les pommettes. Du vent, de l'air dans les cheveux. Des couleurs et des formes différentes dans les prunelles. L'esprit aéré, un peu plus libre.

Et puis, ces jours qui rallongent me rapprochent du 21 mars.
Aucun anniversaire.
Juste le jour du printemps.
Un jour qui depuis 3 ans est mon nouvel an à moi, depuis que le 1er janvier est maintenant réservé à d'autres fêtes, d'autres pensées.
Le temps de mes bilans, des souhaits, des voeux, c'est maintenant le jour du printemps.

C'est aussi une date à laquelle, depuis 3 ans, je respecte un engagement pris envers moi même.
Chaque 21 mars je me dois d'avoir fait dans l'année passée une chose nouvelle, dont j'avais envie et que j'avais déjà remise à plus tard. Une chose "hors cadre", pas inscrite au catalogue, pas forcément délirante, exceptionnelle ou marginale... juste quelque chose de spécial qui donne une marque particulière à cette année là, une couleur qui lui soit propre.

Cette année la couleur est choisie.
Il me reste encore quelques jours pour la réaliser. J'avoue: il est très agréable d'avoir à respecter cet engagement. De se forcer à passer à l'acte, pour soi.
C'est une sorte de pied de nez personnel au temps qui passe, une manière de lui renvoyer la politesse, d'être la plus respectueuse des deux.

Ce que sera la "note 2010"? C'est personnel.
D'une part, c'est l'idée qui est amusante à partager, pas sa réalisation.
Et puis, c'est le moment que je choisis pour aller me reposer un peu. Il ne serait pas question que demain, je me réveille à l'aéroport, étonnée et, qu'encore dans le gaz, je me mette à entamer un tango vachard avec cette fameuse matrone palpeuse qui campe sous le portique, et qui elle doit dormir depuis un moment.



A bientôt,
enjoy your time

lundi 1 mars 2010

Rendez-vous manqué... vraiment?

Aujourd'hui Dimanche.

Encore un Dimanche
Cette journée est un anachronisme pour un métronome, comme tous les dimanche. Le temps que prend le temps est variable. Chaque dimanche, cette élasticité temporelle se reproduit.
La matinée passe comme un éclair.

Mangée par un bout par un sommeil qui s'étire et se ré-étire, se réitère : encore une demie heure, encore un quart d'heure, encore un peu, on se tourne et retourne sous les draps, à l'affût d'un peu moins de moiteur.
Une journée qui débute, mangée par le sommeil donc, et par l'autre bout par la nécessité d'aller à un déjeuner, ou un brunch, ou s'excuser de ne pas venir, ou encore faire un brin de marché.
Puis voici l'après-midi qui s'étend, indéfiniment, très lentement.
La digestion donne le ton, puis l'ennui si on le laisse s'installer vient scléroser toute velléité de bouger.
Alors, ce dimanche s’amorce, aujourd'hui, 28 février: trempé des bilans de la tempête encore assez vaguement expliqués par les journalistes, alourdi d'un dîner magistral de la veille, léger de l'amitié et de la générosité de cette soirée de samedi.
Pleine d’une énergie inespérée, je voulais retourner dans l'univers de l'expo Rodin et Matisse. Le dernier jour de cette proposition. Une dernière escale possible. L'abordage ultime.

Donc, je me lève très tard. Une douche, 3 cafés, 2 coups de fil après, me voici totalement sur pieds.
Je suis dans la bulle de mon domicile. Bulle de parquets XIXeme et de stuques, trés protégée. Les news arrivent de l’extérieur.
La catastrophe se précise et une fois de plus étend son ombre.
Les nouvelles sont mauvaises: la pluie, le vent, la tempête , des destins qui se sont arrêtés nets, des familles dévastées, des morts encore, des peurs, des pertes incomprises, inconcevables.
Je tourne le bouton de la radio.
Un CD. De la musique. M'échapper un peu de cette chappe.
Chet Baker.
Dépressif, élégant, intemporel, aussi suave que le désespoir s'est l'être, aussi souple et nuancé que la désillusion. De circonstance !
Donc me voici avec Chet, le souffle ample de son son, sa trompette toute en retenue, ses silences étranglés. Les temps, syncopes, demi-tons. Tout un nuancier.
Un nuancier qui me donne à choisir le ton de ce dimanche.
Je le choisis donc.
Je décide que ce dimanche sera gris acier, gris bleu avec des reflets lilas, et du vent, beaucoup de vent, et une odeur de source, de lac.
Deux œufs brouillés plus tard, ciboulette et cheddar.
Je sors enfin.
Ce dimanche est tel que je l'ai souhaité: gris, humide, irisé, venteux, des veines de soleil, une odeur de terre après la pluie.
Je prends un bus qui doit me déposer au champ de mars
Finalement, je descends plus tôt. J'ai besoin de marcher. Il me faut de l'air.
Je longe les invalides. Je m'arrête pour une photo d'un graffiti.
Amusant.
Cette citation m'est familière: "Le besoin de consolation de l'homme est impossible à rassasier". Stig Dagermann, suicidé, talentueux.
Une autre citation, plus longue à taguer, aurait été plus juste aujourd'hui: "Il n'existe pour moi qu'une seule consolation qui soit réelle, celle qui me dit que je suis un homme libre, un individu inviolable, un être souverain à l'intérieur de ses limites".
Ces pensées guident les déambulations qui me conduisent rue de Varenne.
Devant le musée, une longue file de personnes agacées, impatientes.
Une attente et une agitation faite de piétinements et de soupirs exaspérés, incompatibles avec le moment que je viens chercher.
Je tourne les talons. Je ne reste pas. Je repars immédiatement.
La plongée dans l'univers de Rodin et Matisse est finalement un échouage volontaire.
En effet, à quoi bon rester pour me retrouver après 30 ou 45 minutes, avec les mêmes, agacés et fermés, agglutinés et aveugles d'attendus devant ces bronzes, peintures, aquarelles, fusains et sanguines.
A quoi bon me retrouver à devoir entendre leurs commentaires, à les frôler, à les contourner scotchés à quelques centimètres de sculptures qu'ils asphyxient de blabla et de regards indécents.
Mon rendez-vous est manqué.
Je suis déçue.
Terriblement déçue, mais tellement soulagée d'avoir, pour moi, le souvenir de mes deux précédentes visites rue de Varenne, calmes, personnelles, confidentielles.
Heureuse d'avoir aussi le souvenir des visites des amis, de ceux qui ont gouté de cette exposition, sur mon incitation, à mon invitation. D'avoir aussi le regrêt de ceux qui n'y sont finalement pas allés, mais qui imaginent ce qu'aurait pu être ce rendez-vous manqué.
Déçue mais libre d'avoir renoncée au n'importenawak de la cohue, avide et sèche, sans aucune générosité, même pas celle d'être spontanée.

Je longe la Seine.
Orsay,
Quai Voltaire.
Je remonte vers Odéon. Le sénat.
Les jardins du Luxembourg sont fermés. Toujours les suites de la tempête. D'ailleurs en venant j'ai pu voir des vitres d'abris bus explosées, la cahute des gardiens de l'assemblée nationale couchée par terre, des cabines de téléphones détruites.
Je continue, des cheveux plein le visage.
Je retourne chez moi.
Un achat de deux DVD plus tard, et quelques courses. Me voici à nouveau dans ma bulle, pieds nus sur le parquet.
19 heures.
Et le temps du dimanche redevient contracté, condensé. Les minutes et les heures filent vite à nouveau.
Pour ralentir ce temps je reprends les livres que je me suis offerts la veille.
Amusante cette tentative pour infléchir l'écoulement du temps, celui des minutes, l’égrainage des secondes.
Je m'arrête sur "l'histoire de la laideur" d'Umberto Eco.
Je savoure...
Il est tard maintenant et le temps à nouveau s'étire.