dimanche 27 juin 2010

L'instant juste


Dimanche, fin de journée.
La chaleur est présente, enfin. A peine quelques traits de vent qui se faufilent.
La soirée promet une nuit pesante. Mais la nuit est encore loin.
Je remets en place mes moments de ces deux derniers jours.

Le week-end a commencé vendredi soir avec Cyrano, à la comédie française. Après Ubu Roi la semaine dernière, j'apprécie à nouveau cette jubilation de troupe, ce soin dans la mise en scène, le temps consacré aux détails, les jeux jusque dans les mouvements des mains, la souplesse des poignets perceptible du dernier balcon. Les chants également. La tradition des théâtres, des divertissements. Une institution vénérable, qui arrive tout de même à faire des pieds de nez malgré l'amidon des pourpoints.
Une soirée de péninsule, de pic.
Une soirée d'excès et de retenues. Les cadets de gascogne, les théâtreux grimés à l'outrage, l'opportunisme de Christian, l'exigeance égotiste de Roxanne, le renoncement frondeur et magistral de Cyrano, et l'ignorance de tous, nonnes, amis, guerriers de noblesse, maître queue cocu.
Une soirée splendide qui se continue au café de Nemours, comme elle y avait débuté d'ailleurs. Comme j'aime à m'y attarder. Le temps est maintenant aux discussions. La nuit est douce, à peine entamée. Balade pour rentrer.
Paris est un peu moite, splendide, enfin estivale.

Je fais don de la matinée de samedi à mon sommeil en retard.
La journée m'offre encore de beaux moments, de menus plaisirs. Préparer des cadeaux. Prendre l'air. Prendre aussi quelques photos. Etirer le temps, le révéler, s'y exposer. Un dîner entre amies. La terrasse éphémère devant le théâtre de l'Odéon.
Il fait vraiment chaud.
Les nuits sont plus longues que le sommeil. Mes sorties tardives n'y changent rien.
La fraîcheur et l'insomnie sont deux vieilles ennemies qui s'évitent. Quand la fraîcheur est là l'insomnie s'échappe. Quand la fraîcheur est absente, par contre, l'insomnie prend ses aises. Ce samedi, l'insomnie se pavane et se vautre, s'impose sans être invitée.

Dimanche.
Mouffetard a ses airs de galas, de ceux vantés par tous les tour-operators qui nous déversent leurs cars de touristes: "un marché typique, des musiciens, des danseurs qui valsent, javatent, tangotent, le tout tellement photogénique, qui vous laissera des souvenirs exceptionnels, authentiques... et tout le blabla baratineur qui allèche le touriste, émeut le photographe occasionnel et séduit les couples de touristes en mal de moments "so nice" immortalisables dans la plus romantique ville du monde... et ce, même ntre deux étales de poissons, une pyramide de poivrons et une bleuglante qui entonne "la vie en rose" avec une conviction qui n'arrive pas à gommer ses fausses notes.
Je me faufile.
Quelques courses.
La matinée est à peine amorcée. Il fait déjà lourd.
J'ai rendez-vous vers 13 heures.
Je me hâte pour rester décemment en retard.
J'y arrive tout juste.
L'anniversaire d'un ami magnifique. Autour de lui, de belles personnes.
Un déjeuner et un après-midi de ceux qui arrètent le temps, et laissent suspendus sur les lèvres les sourires qu'ils y ont fait naître.
J'ai de la chance. Je ne m'habitue pas.

Retour at home à l'heure où la lumière est rasante.

Je fais le tri de quelques photos en visionnant du coin de l'oeil un DVD. Peau d'Ane. Un achat spontané fait sur un sourire, un brin nostalgique. Le film a gardé toute sa magie. La fée des Lilas toute sa féminité. Deneuve sa beauté et sa photogénie évidente. Seyrig son intelligence et son charme modulé. Ce casting est superbe. Les subtilités de Demy restent intactes. Aucune mièvrerie. Un soupçon de kitch pour ajouter à l'illusion, pour éviter un réalisme banal qui limiterait l'imagination.

La délicatesse, la poésie, l'humour sont autant d'attentions. Aucune lourdeur dans ces invitations.
Je laisse de côté mes photos à trier.
J'ajuste le coussin sous ma nuque. M'allonge sur le cuir encore frais du canapé. Je me laisse embarquer par le film.
Une parenthèse s'ouvre. Se referme sur le générique de fin. Je me re-trouve posée sur le canapé, reposée, re-posée. J'étais loin.
L'ordinateur est en veille. Le tri des photos en plan.
"Enter".
Une photo reprend le plein écran.
Une série récente sur un bouquet de pivoines. Série faite un soir de cette semaine, quand, rentrant tardivement ce bouquet m'a arrêté. Ce devait être mercredi, certanement, après le début de cette vague de châleur.

Les pivoines étaient toutes à maturité.
A ce moment précis, ce moment juste avant de se disloquer. Epanouies au point ultime. Les pétales maintenant immenses encore splendides de fermeté, toujours délicates, de ces coloris si intenses au coeur s'évaporant en transparence à leurs bords, fragiles maintenant au point qu'un tremblement les fait tomber.

Je suis restée un moment à contempler ce bouquet, à apprécier ce moment précis. Cet annoncement de la fin.
J'ai tourné autour en prenant soin de ne pas troubler l'air, de ne pas heurter la table.
J'ai attrapé mon appareil, prudemment. Tenter de capturer cet instant. Attendre.

Puis, j'ai cessé d'attendre pour ne pas avoir à retrouver demain matin un tapis de pétales qui se serait étendu à la faveur de mon sommeil.
Alors, doucement... Comme on souffle sur des fleurs de pissenlits ou comme on déchire des lettres, j'ai donné un petit coup sur la table. Puis un autre. Et encore. Regardant les pétales tomber. Laissant le bouquet disparaître au rythme de ces petits tremblements.
La réalité est souvent plus présente quand on en force la fin.
Une nouvelle fois, aux détours de ces pétales, ce passage d'Alice qui s'invite dans mon esprit. Un passage qui me fascine de justesse: "et elle essaya d'imaginer à quoi ressemble la flamme d'une bougie une fois que la bougie est éteinte".
Les paraboles sont infinies, ces bougies sont innombrables, aussi personnelles que les imaginations qui les portent, que les souffles qui les mouchent.
Alors... de la fenêtre, un trait de vent presque frais... enfin !








lundi 21 juin 2010

ut majeur


Ce soir fête de la musique, le 21 juin.
Faîtes du bruit.
Laissez mes souvenirs venir.
Fichez moi la paix... en même temps...
Il semble que ce soit l'été.
J'ai froid pourtant.
Ma peau reste étonnamment blanche. Mes épaules sont encore couvertes. La légèreté de l'air m'échappe comme des billes de mercure, comme des caïmans devant un inspecteur du fisc, un souffle de fleurs d'oranger devant Rocco Zzzz, un soupir voilé devant un asthmatique, mes confidences sur le bord de mes lèvres.
Je suis un tantinet réfrigérée. J'avoue du bout des cernes un peu de fatigue.
Je ne m'y résous pas. Le blush attendra demain.
La musique reste savoureuse, à goûter. Le sens premier est le plus juste.

Ce soir c'est the fête.
Les cotillons seraient de trop.
Il ne faudrait pas exagérer. Les falbalas et blablas, je les ai laissés hier, derrière moi.
Avec mes faiblesses et mes absences. De celles qui autorisent un peu de décence.
Démaquillage approximatif. Tenue très décontractée, limite autorisée pour croiser les voisins dans l'escalier, un fonds d'un très bon wisky dans un verre en cristal, sans glace of course... Sur ma table, un bouquet de pivoines qui s'étire, magistral.

Mes pensées sont un peu lourdes ce soir.
Je fais tourner le petit fonds de Talisker dans ce ci joli verre qui tinte.
Il n'est pas certain que mes levres y goutent.
Je retarde le moment de le déguster.
That's time!

Chears,
Enjoy the music,
Have fun,
just, Enjoy fun,
and ... j'oublais,
le rythme et le vacarme pourtant musical de NY me manquent un peu .... mais ce n'est pas si mal la java, indeed!

dimanche 20 juin 2010

insomnie diurne


Voici un exercice qui me trotte dans la tête comme une ritournelle depuis quelques temps.
C'est à la manière de « selle de ch'val,ch'val de course, course à pied, pied a terre, terre de feu »…
Un exercice amusant, presque autant que des photos offertes en kit. Il s'agit de laisser libre cours aux associations d’idées...
Idée, hédoniste, Istambul, boule de bal, balle à blanc, blanc d'espagne, agneau de lait, laiterie, idées …

Donc, sur le principe on commence par un mot. J'ai choisis "Elégant".
On s'égare, et on essaie de revenir à ce mot. Comme un domino !

Elégant,
enchanter, télépathe, attirer, rai de lune, lune claire, aire de jeux, jeux de quilles, quilles en bois, bois de rose, rose des vents, vent debout, bout en train, reins tendus,
dulciné, nez busqué, quai de gare, garde fou, fou de bassan, embrasser, serrer fort, fort en thèmes, aimons-nous, outre passe, assassin, seins (saints!) de glace, lacérer, raie manga, galipettes, pétaudière, errements, entrelacs, à genou, outrageant, entre-nous, nouveauté, thé de chine, ineffable, fabuleux, heureux qui, qui a su, supplanter, tes envies, viscéral, haletant, angle mort, mort de rire, ris de moi, moi de toi, twilight zone, honni soi, soie sauvage, âge d'or, oriflamme, amaranthe, hantons nous, outrageux, jeux de mains, maintes fois, foisonner, éluder, élégance….

Voila... Moi cela m'amuse !

Il en est de certains moments, comme des mots, qui ne trouvent de sens que par leurs enchaînements.
Il en est de certaines histoires comme de ces moments, qui ne trouvent de sens que par leurs atermoiements.
Et puis, finalement, résolument, choisir d'être égoïste par respect pour des plaisirs qui se partagent.
Arrêter de se prendre la tête.
Juste profiter de l’air qui devient léger, du froid qui ne veut pas laisser sa place à l’été, de l’énergie communicative des soirées au théâtre, aux spectacles, ou en terrasses.
Oui, je sais, je suis une reptilienne contrariée... Fonctionner à l'instinct et laisser les réflexions m'envahirent, même nulles, même inutiles. Mais je peux envisager de me soigner!


Retour sur ce week-end: séquence "tribulations d'une parisenne à Paris".

Vendredi, une soirée à la comédie française : Ubu roi. Un délire un peu acide, juste dérangeant, euphorisant. La chanson de l’écervelage est une pépite.
Le jeu des acteurs, la mise en scène sont parfaits, de cette perfection faite de talents et de temps, de peaufinage et d’inspirations.
Une forme d'intelligence communicative, qui permet de succomber à la facilité de rire des horreurs.

Je retournerai dans la "grande maison" la semaine prochaine pour Cyrano. Pour le plaisir des mots, du jeu, des beaux nez et des non-dits.
Ce vendredi, après cet Ubu, une fin de soirée en douceurs. En tête à tête amical.
Le lendemain, les petites corvées habituelles sans lesquelles les samedis ne seraient qu’un jour de repos comme les autres.
S'accorder du temps pour moi.
Coiffeur et achat d'une paire de chaussures. Deux heures "exclusives" qui valent tripette (good trip ? bad trip ?).
Puis, a suivi une soirée de crémaillère, à papoter, danser, rire. Manger, boire et s'amuser. Le plaisir partagé. Etre spontanés.
Rentrer tôt, le matin, ne pas être fatiguée.
Attendre que le sommeil vienne, s’endormir finalement largement après l’aube.
Se réveiller. Presque fraîche... enfin presque (notion de fraîcheur à corriger des variations des quadra-syndromes).

Se dire que ces moments-là valent le coup. Même avec des poches sous les yeux.
Rebondir sur d’autres moments.
Laisser mes pensées faire du trampoline, des pirouettes.
Rester en légèreté, gouter l'apesanteur.

Je ne me laisse même pas polluer par l’interview débilitante de Riberi qui, à grand renfort de fautes de français, de « honnêtement », et de « moi je m’excuse », essaie de donner un fonds dramaturgique aux péripéties de vestiaire de ces tapeurs de ballons mal embouchés. Il utilise un temps d’antenne, dont il ne connaît même pas la valeur, pour nous gaver de leurs états d’âmes de porteurs de short, shooters occasionnels, et jouisseurs toujours bloqués en position pré-pubère.
Ces tribulations de footeux n’arrivent pas à me mazouter l’esprit. Mes pensées volent toujours.
Je m’amuse à me cuisiner un déjeuner (goûter ?) soigné, un peu recherché.
Un opéra en fonds sonore.
Le vol de mes pensées prend de l’ampleur. L’esprit plane.
La fatigue vient alourdir ses ailes. Je me refuse à dormir.
Il sera bien temps.
Plus tard.

lundi 14 juin 2010

voleuse


Ce serait l'histoire d'un moment volé, à deux amies, vieillissantes, qui me sont inconnues.

Ce serait l'histoire d'un après midi qu'elles auraient passé dans l'air presque frais d'une alcôve du pont neuf.

Elles étaient là, jouant aux cartes, avec des jeux usés, peluchants sur les bords, un peu collants.

Elles étaient là, chapeautées sentant la poudre de riz et la lavande.

Elles étaient là, m'ignorant majestueusement, là. Concentrées sur l'essentiel, cette partie de cartes, le pli à venir, autant dire rien.

Je suis passée rapidement. Déclenchant la photographie en passant. Sans cadrer. Au hasard.
Le hasard m' a servi.
Elles étaient si sereines, que je m'en serais voulue de les cadrer avec insistance, sans respect.

Je leur ai volé ce moment, c'est indéniable. Mais je l'ai chapardé par goût, sans calcul.
Instantané. Instant aimé.
Cette photo que je regarde ce soir tranquillement, de retour chez moi. Cette photo me renvoie à une foultitude de moments.
De ces instants entre parenthèse, comme isolés.
Des instants suspendus comme les confidences entre deux atouts, comme cette morgue à ignorer les passants, le bruit. Des instants qui s'étirent comme ces ombres portées sur leurs visages par des chapeaux un peu usés.

Vol par affection, petite effraction.
J'aurais aimé savoir leur offrir des fleurs sans être ridicule ou intrusive, le marché aux fleurs était à deux pas.
J'aurais aimé prendre un thé ou un verre de blanc avec elles sur une des terrasses voisines.
J'aurais aimé avoir un peu plus de panache dans mon vol d'image.
Avec un peu de chance, elles seront là à nouveau dimanche prochain, dans leur alcôve du pont neuf, si le temps est lourd, s'il fait meilleur dehors, si la partie de cartes n'est pas finie.

Je délaisserai alors d'autres loisirs pour les retrouver.
Sauf, si ... mais, ce serait un autre jeu de cartes plein d'atouts, moins public, un mélange improbable entre "bataille", "patience", "réussite". Une autre parenthèse suspendue.
Il serait doux d'être détournée de cette balade au pont neuf.