lundi 22 février 2010

La chaleur des bronzes, le pouls du marbre,


Après une journée étrange, la soirée se voulait utile, un brin fastidieuse: mettre un peu d'ordre dans les répertoires de photos, nettoyer les copies, supprimer les loupés les plus évidents.
Bien évidemment l'anecdote réminiscente a supplanté tous les efforts (plutôt faibles) d'efficacité bibliothécaire ... Le classement et le nettoyage seront pour après-demain.

Au hasard des fichiers sans nom, DSC02174 etc, le regard scrutant les miniatures, je reconnais une série faite au musée Rodin, il y a quelques semaines, et j'en retiens une: Minotaure et nymphe.


Ce bronze ne m'était pas inconnu.
Je l'avais découvert d'une étrange façon, filmé, évoqué, incarné. Le plaisir supplémentaire est que ce souvenir m'a ramené à mon escapade à NYC. Et c'est ... un plaisir supplémentaire.
C'était au new museum, un lieu genre conceptualo conceptuel, créatif, étonnant, néanmoins accueillant.
Ce film était projeté dans une salle obscure, au sol couvert de gros coussins... (là c'est le côté conceptualo-pas-arthritique). Le film est projeté en boucle. J'en ai fait plus d'une, de boucle.

C'est un film 16mm de Daria Martin.
Un couple de danseurs évoque et décline ce bronze.
Lui, âgé, l'allure d'un vieil espagnol. Elegant, dominateur, plus esthète que fougueux, avec la force d'airain de ceux qui connaissent la suite. Elle, très fine, presque juvénile mais d'une sensualité de 1000 ans, joueuse, provocante mais disciplinée.
La chorégraphie, moderne, dépouillée est parfaitement capturée par la caméra. Chaque espace entre ces 2 corps est aussi de la danse.
Le ballet a été conçu par Anna Halprin, que je ne connaissais pas, pas plus que Daria Martin, pas plus que ce bronze précisément.
Et pourtant il y eut une évidence.
Je me souviens également dans ce film d'une séquence.
Vers la fin.
Il me semble que c'était dans un jardin. Une idée de vent.
Une vieille femme caresse un livre de photos avec celle de ce bronze. Une vieille femme avec un regard de nymphe. Les mains tâchées et veinées, mais toujours sensibles. La pulpe asséchée de ses doigts trouve chaque détail du grain de cette photo comme celui d'une peau. Elle trouve le pouls du minotaure, la nervosité de la nymphe, l'abandon et la lutte harmonieuse de ces deux forces qui s'éreintent.

Ce moment dans le noir d'une salle d'un musée, seule, ailleurs.
Ce moment avait été magique, évocateur des mythes, du souffle du vieux continent

D'autres choses aussi.
Un instant splendide de mouvements, d'espace vibrant, de liberté de voir, d'imaginer.
Puis me voici, il y a quelques semaines, rue de Varenne, au bénéfice de l'exposition Matisse Rodin. Un passage obligé par les jardins, saluer les bourgeois, saisir le même malaise face aux portes de l'enfer. Et, déambuler dans l'hôtel particulier autour de la collection permanente.
Et, ce bronze auquel je ne pensais plus.
Petit.
Placé un peu trop bas pour vraiment en saisir la puissance. Celle de ces mains agrippées entre les cuisses de la nymphe. Celle d'une autre main effleurant à peine un bras.
C'est une générosité immense, que celle de ces artistes. J'ai la chance qu'ils m'aient guidée. Que je n'ai pas ignoré ce bronze.

Je remettrai encore souvent à après-demain la suite de ce classement.
Détrompez-vous: Je n'évite pas, je savoure.
C'est certainement la raison pour laquelle je repousse également, sans vraiment de raisons objectives, l'ouverture des cartons de livres restés intacts depuis l'emménagement.
Des cartons de pandore, mais moins dramatiques. Des cartons comme des pochettes surprise. Comme des albums. Des parenthèses, remplies d'impressions et de guirlande de points de suspension.
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J'y retrouverai Phèdre et les tortures de ce cher Jean Racine: " c'est vénus tout entière à sa proie attachée".
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mercredi 17 février 2010

des endroits comme ça

Pont Alexandre III,

Dorures, luminaires, romantisme de bon aloi, rococo photogénique, l'eau qui clapote, les touristes qui se bécotent un bras tendu armé d'un appareil numérique...
Joli.
Joli, mais limite ridicule...


Un pont qui serait à ce type d'ouvrages, ce que le lévrier afghan est à l'épagneul, et l'escarpin au trotteur:
pareil mais en plus compliqué.

Ce pont a la lumière de la place de la concorde.
Bref, un panorama qui fait "crack boum hu". Un concentré d'attendus.
L'air de Paris version 24 carats, avec l'estampille vieille Europe.
Usé d'être trop vu toujours sous le même angle.

Alors, pour me réconcilier: balade sur les quais.











La structure du pont est splendide.
Les lumières qui ricochent sur les poutrelles.
Les alignements pointillés de rivets.
C'est juste magnifique.
La cohue et le bruit sont loin derrière, loin dessus.
Le clinquant alors se patine. Le pont prend une nouvelle superbe. Industrielle. Ingénieuse.
Un des endroits pour de jolies photos. De beaux instants.
Un de ces endroits, comme ça, plus élégant vu des coulisses.
Si vous passez par là.
Si vous voulez vous laisser balloter entre le monde des ingénieurs, des sculpteurs, des mariniers, des lumières qui jouent, des bruits qui se feutrent, de vos pensées qui naviguent.
Si vous passez par là:
descendez sur le quai, prenez le temps qui vous va, puis remontez, slalomez entre les touristes narcissiques, et vous le verrez autrement.

dimanche 14 février 2010

mister Yeats

Ce n'est pas de moi, mais aux détours d'une lecture, voici un poeme qui m'a cueillie.
C'est de W.B.Yeats traduit par Y. Bonnefoy.
Sinon, pour ce qui est partageable de ce week end:
moment drôle au point virgule avec Olivier de Benoist, et de l'émotion au théâtre avec la dernière interview de Vivien Leigh (Vivien avec un "e").

Pour le reste, Cupidon revoit son business plan et sa campagne marketing.
J'ai encore froid aux pieds et une pile de courriers en retard me nargue.
J'ai changé de crème contours des yeux (la dernière reléguée pour insuffisance de résultats), ma purée de patates douces au citron vert est enfin au point, et la minuterie de l'escalier est en panne depuis une semaine.
Il me reste à ré-empaqueter ma nouvelle télé pour cause de faux contact dans l'alimentation.
Et, j'ai pris plein de temps pour choisir et acheter une pile de bouquins, très divers, sans fil conducteur... pour avoir le choix.

Voila pour les news,
et donc, en revenant du théâtre, ce soir, ce poème qui me touche.

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A l'enfant qui danse dans le vent

Danse là sur le rivage
Car pourquoi te soucierais-tu
Du vent ou de l'eau qui gronde?
Et après secoue tes cheveux
Qu'ont trempés les gouttes amères.
Tu es jeune, tu ne sais pas
Que l'imbécile triomphe,
Ni qu'on perd l'amour aussitôt
Qu'on l'a gagné, ni qu'est mort
Celui qui oeuvrait le mieux, mais laissa
Défaite toute la gerbe.
Ah pourquoi aurais-tu la crainte
De l'horreur que clame le vent?



et pour les super fluent

To a child dancing in the wind

Dance there upon the shore;
What need have you to care
For wind or water's roar?
And trumble out your hair
That the salt drops have wet;
Being young you have not known
The fool's triumph, nor yet
Love lost as soon as won,
Nor the best labourer dead
And all the sheaves to bind.
What need have you to dread
The monstrous crying of wind?

jeudi 11 février 2010

Autant que possible

Petit "truc qui se voudrait en rythme". Mon excuse est à peine due à l'insomnie qui s'invite, ces quelques mots à peine relus, qui ont trouvé en moins de 30mn leur place sur le clavier...autant les laisser là.
Je tente le coup, et j'ose plus que jamais le ridicule.
Autant que possible, restez et moquez or enjoy!

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Que le bruit cesse,que le souffle s'apaise, que le coeur soit lent.
Autant que possible.
Que le vide reprenne sa place,
que la curiosité se calme, que les peurs s'assouvissent.
Autant que possible, se persuader que les manques se comblent,
que les peurs s'essoufflent.
Retrouver sa niche, autant que possible reformer son nids.
Tendre à l'envie des possibles.
Rester longtemps, un peu plus, autant que possible.
Savoir et se taire.
Tourner ses cartes, biaiser le jeu, baisser les yeux.
Choisir son courage. En accepter les fins.
Les ignorer mieux.
Etre serein, rester inquiet. Reconnaître sa chance, autant que possible.
La boire, la sentir, la toucher.
En chercher tous les tours, les reliefs et les sens.
La rendre familière. L'accepter à sa portée.
Autant que possible, figer les plaies, plaire aux soleils.
Veiller sans cerne, sevrer ses craintes.
Etre juste là, autant que possible, et le savoir.

mercredi 10 février 2010

Le Parfum ... petite paranoïa quotidienne ...

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Voici une petite tranche de paranoïa quotidienne.
De ces désagréments qui redonnent du sel.
Je vous en servirai d'autres si cela vous amuse.
En attendant, bonnes courses !

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Week end. Faire les courses au petit supermarché du quartier.
Votre esprit est tout entier attaché à des préoccupations ménagères, polarisé sur les menus de la semaine, le poids du panier et, le recours à sa mémoire photographique pour se rappeler si, oui ou non, il y avait encore un rouleau de papier absorbant dans le placard quand vous l'avez ouvert la dernière fois... C'est pourtant gros un rouleau de papier absorbant!
Se dire, au passage, en croisant son image fatiguée dans une des vitres griffées des armoires de surgelés, que l'on aurait pu tout de même se mettre un peu de blush, et se coiffer un rien.
Bref, vous vivez, panier à la main, un de ces moments sacrifiés du week-end, sans aucun rituel.
Vous cheminez au milieu des yaourts, à une portée des rangées de softs, des murs de céréales, là, juste avant d’attaquer les produits d’entretien.
Vous cheminez, en plein coeur d’un monde dénué de toute trace de sentiments, si ce n'est sous cellophane (date d'emballage de la veille et date limite de consommation introuvable).
Alors, en plein coeur de ce monde, et en pleine réflexion tactique sur le plus court chemin pour finir cette corvée... là ... en plein ... là, vous attrapez une effluve de son parfum. Du sien. Vous vous en trouvez entourée. Noyée.
Alors, le temps de quelques flashs intimes, trombinoscopiques et assez déplacés dans cet univers marchand et familial (là je suis au rayon petits pots et laits maternisés). Donc, le temps de ces quelques flashs intimes, identifier très clairement, trop même, ce parfum comme celui de "celui qui", "celui avec qui", "celui-là même".

Se dire que l’on disjoncte quand même un peu.
Aller alors à la caisse. Faire la queue. Attraper un paquet de chewing gum (pourquoi toujours par lot de 3? ça ne fait rien, le prendre quand même).
Et à nouveau, l'effluve est là.
Forte et encore chaude.
Ce n'est pas une illusion, même si vous savez que vous pensez un peu trop souvent à lui, "lui, celui qui".
Identifier le porteur du fameux parfum.
Si ce n'était cette odeur, il serait totalement transparent.
Lui en vouloir de le porter si mal, en tout cas moins bien que "celui qui". Lui en vouloir surtout d’être là, avec son pack d'eau et sa crème à raser, avec sa banalité.
Lui reprocher de transporter « clandestinement » cette part si privée de votre intimité au supermarché.
Essayer de l'ignorer.
Pincer le nez. Chasser l'idée de ce parfum, occuper son esprit.
Se rendre compte qu'une fois de plus, la caisse que vous avez choisie est la plus lente.
Se retrouver à nouveau obnubilée par ce fichu rouleau de papier absorbant et l'idée d'avoir à revenir pour cela.
Payer.
Ranger les courses.
Sortir.
Et,
finalement, sourire de cette confusion, de votre confusion.
Attraper le téléphone portable au fonds du sac et composer son numéro.
Juste pour remettre son image à lui sur cette odeur.
Juste pour remettre les choses à leur place: les courses dans le panier, l'intimité dans la tête, ce parfum au creux des draps, au creux de son cou à lui, remettre l'inconnu transparent au bout de son caddy, le papier absorbant dans le placard en haut, au fonds, caché, et remettre enfin, aussi pour lui, "celui qui", un peu de blush sur les joues.


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Je retourne bientôt revoir Rodin et Matisse.
Egalement apprécié ce mardi, le concert de Benjami Biolay au Casino de Paris: beau concert, excellents musiciens, sincérité palpable, soirée "superbe" !

Enjoy your time,
et merci pour vos messages!

samedi 6 février 2010

Hi there !

Detourdages, détours d'âges, détourages...
Dessiner en creux, en ombres, détourer pourtant sans hésitation, tracer des contours.

A la question, à quoi cela sert? La réponse est simple, limpide, immédiate:
Cela ne sert à rien !
Jouer avec les mots, les impressions, les ressentis, n'a jamais construit de cathédrales, poussé les indices du CAC, guéri de la variole, créé de chef d'œuvres.
Partager n'est pas une fin.
Ce n'est pas un scoop.
Mais, cela peut faciliter la curiosité qui permet de passer le seuil des cathédrales, d'imaginer un sens au CAC, de dépasser la compassion pour trouver l'empathie, de se démunir, de forcer sa réceptivité devant une œuvre.
Pourquoi alors hésiter ?
Je m'offre ce luxe immense d'assumer mon ridicule.
Je m'offre aussi, ce plus que luxe, cette exception, de vous l'exposer.
Voila pour ce préambule, bulle qui va s'éclater sur les reliefs du 1er article,
très bientôt.

Pour commencer, j' aimerais vous donner à toucher des yeux, à sentir, une exposition.
Exposition est un mot très juste pour cette fois. Il ne s'agit ni d'étalage, ni d'accrochage. Aucune démonstration de technique et de brio.
Juste un rendez-vous réussi autour de corps.
Matisse et Rodin, au musée Rodin, rue de Varenne à Paris (encore quelques jours: l'expo finit fin février).
Deux géniaux sensitifs, brutaux et délicats.
Des recherches d'expressions, pas tout à fait parallèles. Mais, des approches splendides de deux artistes, aussi fortes, l'une comme l'autre, construites sur leurs forces conjuguées des désirs, de la violence intime de leurs perceptions, et dans le même temps de l'humilité de les retranscrire, du doute à réussir à les partager, à les figer dans le bronze, la sanguine ou le fusain, le plâtre, le graphite.
Après deux visites à cette exposition, je prends un peu de temps pour organiser mes impressions. J'y retournerai encore certainement. Et je tenterai de mettre des mots dessus Pour m'en souvenir. Pour vous aussi.

Donc, à bientôt, pour ces billets !