lundi 20 janvier 2014

Avortement - quelques réflexions

Débats ré-ouverts en Espagne sur le "droit" à l'avortement, des manifs qui pointent en France...
"Droit" à l'avortement. Droit entre guillemets car le raccourci est trompeur. Il ne s'agit pas d'avoir ou pas le droit d'avorter, mais d'avoir celui de le faire non clandestinement et sans être charcutées, oubliées, déniées.
Il n'est pas question de droit à, quand on est face à une obligation, une contrainte.
Le vocabulaire est trompeur et laisse une place indécente aux interprétations: "interruption "volontaire", "passeurs", faiseurs "d'anges", etc etc…  L'opprobre publique a sa place, sans gêne, quand on oublie les hémorragies, les cicatrices, les stérilités créées, les dégoûts de soi. 
   
Après un échange sur le sujet avec un correspondant masculin (est-ce vraiment la question du sexe ou de l'opinion qui compte?), je reste interdite …
on vous parle de l'enfant en oubliant l'embryon et le foetus… tout de suite l'enfant, le poupon, le gam
in gambadant … l'effet cute kitten… culpabilise salope.
On vous confronte à des statistiques, globales et massifiantes, désincarnées, sans histoires (mais regardez les stats de l'ined détaillées et derrière les 220000 vous verrez des 2 + 14 + .. des ombres des histoires de chacune, de chaque couple, de chaque renoncement). 
Rien sur les renoncements, les doutes, le désarroi solitaire, la peur de se tromper, l'indécence imposée d'avoir irrévocablement à décider, rapidement, car les délais sont fixes, légaux, irrémédiablement strictes. Rien sur le fait que l'on a à le faire seule même si on est accompagnée, soutenue, aidée. 
Seules aux osculations, seules face aux questions aux absences de réponses, aux silences ou aux accusations à peine masquées. Seules aux opérations, aux réveils, pendant les nuis avant, les nuits après, les journées à croiser des vies qui elles se poursuivent. Seules, les femmes le sont, forcément. Aussi proches soient leurs compagnons, seules elles sont à sentir leur ventre, leur utérus, leurs seins qui se tendent, leurs hormones qui brouillent leurs ressentis, leurs contours, leur moral.
Est-il si difficile de comprendre ce que des femmes, ou jeunes femmes, ou très jeunes femmes ont à affronter de face, à confronter ou à tenter d'éviter? la compassion a-t-elle encore sa place quand le sentiment de spoliation prend corps dans les esprits mâles et/ou chrétiens?
Peut-on souhaiter à ces femmes d'avoir à se justifier, à se cacher, à se meurtrir entre des mains inexpérimentées, à ne pas réfléchir à leur avenir et aux autres possibles? peut-on leur dénier, par principe, toute réflexion?
Avorter n'est jamais un acte anodin, jamais banal. Il est de ces actes qui sont des renoncements profonds, des dénis de nos rêves, de nos projections "il était une fois.. donner sans retenue… s'accomplir.. etc etc etc". Combien de vrais désirs, même enfouis, même enfuis, combien de désirs non encore avoués doit-on abandonner quand on ne fait même que se poser la question de mener à terme une grossesse?
Et oui, bien sur, il y a un potentiel être qui est en question. Non seulement un être comme le rappelle les banderolles foetales et très imagées des pro-life. Non seulement potentiellement un futur enfant, mais aussi un avenir, mais aussi un futur à plusieurs, mais aussi des vies conjuguées de parents et d'enfant, de grand parents, de famille et de goûters d'enfants.
Renoncer à des futurs c'est la question de fond de la décision d'avorter. C'est sur ce renoncement que doivent se construire des vies de femmes, des vies de couples, des familles existantes ou à venir. C'est une question sociétale, philosophique et spirituelle.

Mais renoncer à donner aux femmes le droit de le faire dans des conditions décentes, humaines et respectueuses de leur intégrité, c'est une question inutile. 
Légaliser l'avortement c'est avant tout permettre des actes médicalisés, non clandestins, suivis, avec une information et une communication claire et ouverte.
Questionnez vos mères, questionnez l'histoire, et ensuite prenez le temps de vous poser. Réfléchir en conscience et sur la cause de la décision, et ensuite sur son exécution, et surtout sur la compassion pour ceux et celles qui ont eu à décider et qui vont vivre avec, gardant cette griffe profonde à sa juste place, sans renoncer à tout, ni au respect, ni aux autres futurs.

Renoncer à un futur n'est pas renier la vie, ni lui manquer du respect qui la rend féconde et riche.
Renoncer à un futur oblige à en forcer d'autres, à affronter notre position précaire et inconfortable d'humain raisonnant et sociaux, à affronter nos images contraires.
C'est un respect et une tolérance de reconnaître le droit à exécuter ce renoncement sans autres hontes que celles que l'on ne se doit qu'à soi même.

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